Journal de bord – Enfermée dehors
Chapitre 4, Episode 2
Ce titre d’un film de Dupontel m’a toujours réjouie.
Il pleut à dic et dac (encore une expression qui enchante mes oreilles), il y a des gros grains et des orages. Notre voilier est à l’abri dans la baie de Syracuse. Dans ces conditions, il est préférable de rester à bord et surveiller la bonne tenue du bateau à l’ancre.
Je suis donc enfermée dehors, coincée à bord.
Curieusement je me sens libre dans cette vie, dépendante à 100% de la météo.
Chère intrépide, comment te sentirais-tu ?
Est-ce que tu as rencontré ce sentiment d’être là où tu dois, libre en toi, là où une grande majorité se sentirait bloquée ?
Pendant les JO, je me suis interrogée sur ces jeunes capables de s’entraîner des jours entiers, des années entières espérant atteindre le podium.
Je suppose que Léon Marchand, 5 fois médaillé des JO, se sent libre dans l’eau.
Pour moi ce serait IMPOSSIBLE.
Chaque jour rejoindre la piscine, faire des longueurs encore et encore et toujours…
Comme quoi, ce sentiment d’être LÀ, cet endroit où l’on se sent exactement à sa place est très personnel.
Il me semble que l’on peut se sentir libre en prison et prisonnier dehors.
Les méditants, ces moines tibétains assis des heures à psalmodier des mantras, rejoignent une extase sans bouger un orteil. C’est leur immobilité qui est leur liberté.
Tout au moins c’est mon sentiment.
Cette vie en mer est truffée d’obstacles : Le huis clos du couple, la solitude, la fatigue des longues traversées, les attentes d’une météo favorable… alors les jours de doute c’est là que je vais.
En moi.
C’est un refuge puissant. C’est un accès à la liberté cosmique, à une fusion avec ce grand tout.
Lors des 48 heures de traversée entre Preveza (Grèce) et Syracuse (Sicile), j’ai pu voir cette fameuse « comète du siècle » Tsuchinshan-ATLAS.
Pendant cette demie heure en contact avec l’éternité, qui s’est renouvelée les deux nuits, tous les doutes s’effacent.
Les yeux rivés aux jumelles pour pénétrer au plus proche ce vertige cosmique, mon cœur s’expanse et la gratitude m’envahi.